Le vélo et la fenêtre.

Cela pourrait être le titre d'une fable signée de La Fontaine. Que nenni. C'est juste un point de vue. Pas une tournure d'esprit hein... un vrai point de vue, celui d'où s'ouvre un ailleurs et sur lequel mon regard se pose chaque matin, assis devant un café fumant. Mon fidèle destrier trône fièrement devant la fenêtre à double battant de mon appartement de poche. Il est tout noir sur un fond gris ou bleu (un mur d'école, un ciel), pour mieux mettre en exergue une touche de sobriété d'excellent aloi. Je l'observe, le palpe de mes yeux grand ouverts, lors de fécondes et fréquentes rêveries. J'en serais presque fier à vrai dire... comme si j'en étais le géniteur. Mais pour aller au bout de ma pensée ambivalente, je ne suis que peu fier d'être ainsi fier de posséder un vulgaire objet... Et mon vélo est cet objet, commun, banal. Zut... c'est trop con ! J'aimerais qu'il soit plutôt une partie de moi, cela légitimerait mon sentiment. Je pourrais dès lors me targuer d'être un propriétaire sur 2 roues, d'habiter chez mon vélo dans une tentative de sédentarité en mouvement et d'enracinement circulatoire, baignant dans un oxymore cyclopédique du plus bel effet. 

Toujours est-il que mon vélo et ma fenêtre semblent faire bon ménage. Et c'est une bonne chose, vraiment. Je pensais me lasser rapidement de ces séquences scrutatrices du petit matin,  mais il n'en est rien. Ce point de vue, c'est mon écran télé, ma cheminée à foyer ouvert, mon tableau lascif et indolent . Je m'y repais parfois jusqu'à satiété, sans vergogne. 

Mon vélo et ma fenêtre, c'est toute une histoire...en attendant une autre histoire, beaucoup moins statique cette fois... encore que pour la fenêtre, je crains fort que le mal soit fait... La pauvre, elle ne bougera pas de sitôt et sera bientôt orpheline...